Pascal Paumard ESC Pau

Pascal Paumard, professeur en économie et développement des territoires du Groupe ESC Pau au dîner des Membres du réseau Béarn & Business

C'est au Novotel Pau Lescar qu'une trentaine de chefs d'entreprise se sont réunis pour le dîner mensuel des Membres du réseau Béarn & Business.

Ce fût l'occasion d'introniser Isabelle Renaud, nouvelle membre du réseau avec sa société Aquila RH qui est une agence de recrutement en intérim basée sur Serres-Castet.

Nicolas Demange, le co-fondateur du réseau, précisa que la féminisation du réseau était un souhait du conseil d'administration.

La parole fût donnée à l'invité principal de la soirée, Pascal Paumard, ancien président du Pôle de compétitivité éco-technologique AVENIA, spécialisé dans les géosciences, labellisé par le gouvernement et professeur, responsable du département Finance-Economie du Groupe ESC Pau qui est venu traiter du sujet : Pau et les Pays de l’Adour : quelle réalité métropolitaine ?

Métropolisation : la définition qu’en donne le Larousse est la suivante ; c’est le processus de renforcement des grandes métropoles par l’accroissement de la population, de la densité des réseaux de communication, de la concentration des organismes de fonctionnement dans tous les domaines (économique, financier, social, politique etc…).

La métropolisation est, en quelque sorte, la traduction au niveau urbain et territorial de la mondialisation qui alimente le processus de concentration des activités économiques et d’agglomération des populations sur des espaces relativement réduits. Cette évolution renforce les grandes villes et les régions urbaines, au détriment des territoires sans véritable métropole, considérés comme des espaces périphériques…dont les perspectives de développement paraissent en conséquence beaucoup moins favorables.

Si on s’en tient à cette approche, on pourrait considérer que le phénomène de métropolisation et le développement économique ne concernent que les grandes villes, c'est-à-dire au niveau de notre région, entendue Aquitaine et Midi-Pyrénées, Bordeaux et Toulouse. De nombreuses études ont été ainsi réalisées sur les métropoles mondiales, New-York, Londres, Paris, Tokyo ou européennes : Paris, Londres, Madrid, Milan, Barcelone, Bruxelles etc…au niveau national sur des villes de moindre dimension qui s’affirment avec plus ou moins de force. En France on peut citer, bien entendu, Lyon, Marseille, Strasbourg, Lille, Nantes et plus près de nous Toulouse et Bordeaux.

Ces villes présentent, en effet, des caractéristiques métropolitaines indéniables : population importante, pôle universitaire puissant, environnement culturel riche et dynamique (économie créative), démographie favorable, capacité de décision, réseaux de communication performants, ouverture internationale forte…ce sont des villes très attractives en particulier pour la main d’œuvre qualifiée qui y trouve un cadre de vie épanouissant. La densité élevée de cadres dans certaines fonctions apparait également comme un « marqueur » du processus de métropolisation : commerce interentreprises, conception-recherche, culture-loisirs, gestion et prestations intellectuelles. Ces fonctions occupent en effet une place prépondérante dans le processus de métropolisation. Elles sont au cœur de la capacité d’organisation des métropoles et contribuent à leur rayonnement sur des territoires plus vastes que ceux où elles sont implantées. Les emplois occupés par les cadres de ces fonctions métropolitaines sont qualifiés d'emplois décisionnels ou stratégiques. Si l'analyse du nombre de cadres des fonctions métropolitaines (CFM) ne constitue pas l'unique approche pour rendre compte du processus de métropolisation d’une agglomération, elle constitue néanmoins un bon indicateur et permet d'apprécier, en partie, la capacité d'innover et le dynamisme d’un territoire. Car l’innovation et sa mise en réseau jouent également, de manière déterminante, sur le développement et l'attractivité des territoires. Facteur d'ouverture, l'économie de la connaissance et de la création attire les richesses, mais aussi des populations nouvelles.

Au regard de ces différents éléments on pourrait donc considérer que la métropolisation de l’espace sud aquitain traduit plus une volonté, une ambition, voire un objectif plus qu’une réalité….pourtant, même en l’absence d’une grande métropole porteuse d’une forte centralité, cette réalité a déjà commencé à prendre corps mais sous une forme plus « diluée » et plutôt de type polycentrique, organisée sur un espace plus large : les Pays de l’Adour.

Si on considère ce territoire qui englobe les Pyrénées Atlantiques, les Hautes Pyrénées, une grande partie des Landes et l’extrême sud-ouest du Gers, cet ensemble de 1 300 000 habitants est organisé autour de ses cinq principales aires urbaines : Pau, Bayonne, Tarbes, Dax et Mont de Marsan, qui regroupent 800 000 habitants. La concentration des FMS (fonctions métropolitaines supérieures : il s’agit dans ce cas des fonctions occupées par les cadres…des fonctions métropolitaines…) dans ces 5 aires urbaines représente ainsi presque 45 % de celle de Bordeaux, les infrastructures de transports sont bien développées (3 aéroports), le maillage autoroutier reliant ces 5 villes est réel, même si des liaisons doivent être encore améliorées, ou créées (avec dans le domaine ferroviaire le projet LGV ? ) et un dispositif d’enseignement supérieur significatif existe avec un total de 25 000 étudiants concentrés principalement sur Pau et dans une moindre mesure Bayonne-Anglet.

Cela montre également que Pau dispose d’un pouvoir d’organisation sur les Pays de l’Adour que lui confèrent certaines fonctions qu’elle seule possède parmi ces 5 villes : par exemple une cours d’appel qui couvre les Pyrénées Atlantiques, les Hautes Pyrénées et les Landes, l’Université de Pau et des Pays de l’Adour avec ses campus de Tarbes, Mont de Marsan, Bayonne, Anglet, mais dont le « siège » est à Pau où se trouve le campus le plus important, la présence de plusieurs écoles d’ingénieurs, d’une Ecole Supérieure de commerce membre de la Conférence des Grandes Ecoles qui regroupent les 40 plus grandes écoles de commerce en France…écoles qui sont, pour la plupart d’entre elles, implantées à Paris et dans les grandes métropoles régionales. L’arrivée de l’A65 qui relie Pau à Bordeaux, place également l’agglomération paloise au centre d’un réseau autoroutier rayonnant sur Tarbes, Bayonne, Mont de Marsan.

Enfin il faut noter la puissance de certains acteurs économiques présents à Pau : Turboméca, Euralis, Total qui sont des pourvoyeurs d’un nombre important d’emplois de haut niveau. Ces entreprises confèrent au tissu économique palois une grande diversité et constituent autant de têtes de réseaux d’écosystèmes dynamiques et porteurs d’innovation.

On peut, certes, objecter la distance entre ces villes, le manque de cohérence entre ces territoires attachés à des particularismes identitaires parfois très vivaces etc…mais le développement de la mobilité d’une manière générale, et, plus précisément l’amplification du phénomène de navette lieu de travail-lieu de résidence qui s’est développé entre ces 5 villes, définissent de nouveaux territoires vécus qui dépassent très largement le cadre de chaque agglomération, en rapprochant des villes autrefois éloignées.

Si on considère « la métropolisation Béarn-Bigorre » la proximité géographique est très forte. L’échelle spatiale, plus réduite, permet d’incarner une réalité territoriale cohérente et peut alimenter la convergence des acteurs économiques et politiques sur des dossiers importants pour ce territoire. Une réflexion avait d’ailleurs été menée sur le projet de création d’un pôle métropolitain organisé autour de Pau en lien avec Tarbes et Lourdes (on se souvient qu’un réseau de villes Pau-Tarbes-Lourdes avait d’ailleurs été créé dans les années 90). Or on sait qu’un des facteurs clé du dynamisme économique c’est la proximité des acteurs, la concentration sur des espaces réduits de certaines fonctions et la capacité à décider localement. Dans cette perspective la métropolisation Béarn-Bigorre s’appuie sur le renforcement du pôle palois (240 000 habitants dans l’aire urbaine au recensement de 2011) qui concentre déjà de très nombreux attributs métropolitains. L’agglomération tarbaise après des années difficiles, un tissu industriel qui a particulièrement souffert (disparition du GIAT, Ceraver, difficultés d’Alstom) a retrouvé un certain élan, qu’incarne sa reprise démographique depuis le début des années 2000. Le pôle universitaire Tarbais s’est également sérieusement renforcé (6 000 étudiants) avec des antennes de l’UPPA, de l’université de Toulouse, l’ENIT, un IUT de plein exercice, qui donnent à ce pôle d’enseignement supérieur une orientation technologique assez marquée et complémentaire au dispositif d’enseignement supérieur palois. Les villes de 2ème niveau : Lourdes (20 000 habitants), Oloron Sainte-Marie (12 000 h) et le bassin de Lacq-Orthez en élargissant et renforçant cette base territoriale sur le piémont pyrénéen et vers l’ouest, participent également à cette métropolisation Béarn-Bigorre en offrant une dimension touristique de niveau mondial pour Lourdes, un bassin industriel dynamique pour Oloron et Lacq-Orthez….

Enfin, le phénomène de navette qui s’est énormément développé entre les agglomérations Paloise et Tarbaise, ainsi qu’avec les villes proches comme Lourdes, Orthez ou Oloron contribuent à renforcer cette métropolisation Béarn-Bigorre et à mailler le territoire entre les différentes villes qui l’animent.

Ces différents éléments posent également la question des limites politiques et administratives…qui ne correspondent pas aux territoires d’actions et de projets ainsi évoqués, qu’il s’agisse des territoires béarnais et bigourdan et, au-delà, des territoires constitutifs des Pays de l’Adour. Pour autant, cette réalité politico-administrative, même si elle définit un paysage territorial complexe en terme de périmètres, de compétences et de capacités d’intervention des acteurs publics ne semble pas être un frein au dynamisme, porté par ses acteurs économiques et ses habitants, de cet espace béni des dieux.

Pascal Paumard,
Professeur en Economie et Développement des Territoires Groupe ESC Pau

www.esc-pau.fr

 

Reportage par Medias Pack, photos par Nicolas Demange

www.medias-pack.com

 

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